Entre la prise d’un décret et sa mise en application, il y a souvent un grand écart. La récente décision du gouvernement sénégalais d’interdire l’orpaillage dans la région de la Falémé est saluée, mais il est crucial que cette mesure soit suivie d’actions concrètes. Le Gouvernement du Sénégal vient de toucher du doigt une problématique d’une importance capitale lors du conseil des ministres en examinant et adoptant le projet de décret portant interdiction des activités minières et d’octroi de permis d’exploitation dans la zone du fleuve Falémé . Ce fleuve, affluent majeur du fleuve Sénégal, apporte 25 % de son eau et est essentiel pour la région allant de Kayes à Kédougou en passant par Kéniéba. Les activités d’orpaillage polluent dangereusement le fleuve, et si des mesures ne sont pas prises, tout le fleuve Sénégal risque d’être contaminé. Les acteurs de la société civile applaudissent mais émettent des réserves.

« Donc la première des choses d’abord, c’est qu’entre prendre un décret et l’appliquer, il y a vraiment deux choses à voir. Nous pensons qu’il est vraiment nécessaire que cette décision prise soit concrétisée par des actes concrets de dégâts puissants totaux de tous ces exploitants, y compris les Chinois qui sont installés tout récemment »  a laissé entendre Mamadou Fadé membre du comité de veille et d’alerte de la Falémé Mali Sénégal. La pollution de la rivière Falémé par les exploitations minières « Le cours d’eau est devenu un lieu impropre à l’activité de pêche. Les populations riveraines qui vivaient de l’exploitation de l’eau pour faire des activités maraîchères ne sont plus en mesure d’utiliser cette eau du fait que c’est une eau complètement polluée. Il y a donc lieu d’envisager très rapidement et en amont beaucoup d’initiatives » explique ce dernier qui préconise des solutions d’urgence.

Selon M. Fadé La première étape essentielle est la dépollution des eaux de la Falémé «La première initiative, c’est de voir comment envisager la dépollution de cette eau de la Falaise. Déjà, avec l’hivernage actuel, s’il n’y a plus d’activité, cette eau pourrait être lessivée par les eaux qui viendraient, en tout cas pendant la saison de pluie. Mais ce n’est pas suffisant » a souligné le défenseur du fleuve qui estime qu’avec la saison des pluies actuelle, l’arrêt des activités minières pourrait permettre un lessivage partiel des polluants, mais des actions plus robustes sont nécessaires. Il est impératif de créer des infrastructures pour l’accès à l’eau potable. Des mini-forages doivent être réalisés pour fournir de l’eau sûre aux villages, évitant ainsi l’utilisation de l’eau polluée de la rivière.

La Plateforme des organisations de la société civile sur l’eau et l’assainissement du Sénégal POSCEAS S a dénoncé avec énergie les dangers de l’orpaillage dans toutes ses interventions. Le récent projet de décret du gouvernement sénégalais marque un pas important, mais il est crucial de veiller à ce que des actions concrètes suivent cette décision pour éviter des conséquences désastreuses pour l’environnement et les populations « Donc, il faudra, de l’autre côté du Mali, que les mêmes mesures soient prises pour que la lutte ou, pour que des décisions-là puissent avoir des impacts et des influences extrêmes durables sur le fleuve.  Donc, c’est dire que ça sera une lutte conjointe avec les autres pays qui sont intéressés, surtout le Mali. Et d’essayer de voir du côté du Mali, comment est-ce qu’on peut travailler avec l’État malien pour que les décisions soient des décisions communes » alerte Aziz Faye coordonnateur de la POSCEAS qui ajoute  qu’il ne sert à rien de prendre des décisions du côté sénégalais et du côté Mali ,les activités d’orpaillage se poursuivent car c’est un problème global qu’il faudra prendre en charge de manière globale.

Selon toujours Mamadou Fadé du CVA MALI SENEGAL qui abonde dans le même sens, la région souffre d’un enclavement croissant à cause de l’orpaillage. L’amélioration des infrastructures de transport, y compris la construction de pistes de production, de ponts et d’ouvrages de franchissement, est vitale pour renforcer la connectivité et faciliter l’accès aux services essentiels. De plus, la Falémé étant une frontière naturelle entre le Sénégal et le Mali, une coopération transfrontalière est indispensable pour garantir l’efficacité des mesures prises. Il est crucial de collaborer avec le Mali pour harmoniser les politiques et assurer la protection de la rivière des deux côtés de la frontière.

« La réalisation du barrage de Gourbassi, qui permettrait de stocker les eaux en amont et de réaliser des lâchers périodiques pour lessiver les eaux polluées, est une solution à envisager en collaboration avec l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Ce projet pourrait contribuer de manière significative à la dépollution durable de la rivière » propose le lanceur d’alerte car le cheptel, essentiel pour la survie des communautés, souffre également de la pollution de l’eau. Il est crucial de réhabiliter ces sites et de restaurer les terres pour permettre la reprise des activités agricoles s’y ajoute la construction d’infrastructures de santé et le développement de programmes de sensibilisation sont indispensables pour prévenir et traiter les maladies causées par la pollution. Des initiatives d’alerte précoce et l’amélioration des services de santé de proximité sont également nécessaires.

Le conseil des ministres a examiné et adopté le projet de décret portant interdiction des activités minières, la société civile estime que c’est grand pas réussi grâce aux partenaires qui ont soutenu cette lutte difficile, notamment l’IBP , la cellule zonale de la région du Sénégal oriental du CNCR, les autorités locales, les forces de défense et de sécurité, ainsi que la diaspora et les populations locales. Leur soutien financier et technique a été crucial pour la sensibilisation et la mise en œuvre des actions locales.

Malgré l’adoption du projet de décret, la méfiance persiste parmi les populations. Il est impératif que tous les acteurs continuent à se mobiliser pour garantir la mise en œuvre des mesures nécessaires et permettre à la Falémé de redevenir un bassin de vie florissant. L’espoir renaît, et que cette initiative soit concrétisée avec succès.

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