Le Centre de Suivi Ecologique (CSE) a pour mission de « contribuer à la connaissance et à la gestion durable des ressources naturelles et de l’environnement, par la production et la diffusion de produits et de services d’aide à la décision pour notamment, l’Etat, les Collectivités locales, le secteur privé, la société civile, les institutions de recherche et de développement, les organisations communautaires et les partenaires au développement ».
Dans la poursuite des efforts qu’il mène dans la production et le partage de connaissances, le CSE initie, à travers ces « Policy Briefs », une série de réflexions stratégiques sur des thèmes porteurs d’enjeux, afin de fournir aux décideurs politiques un soutien à la prise de décision.
La finance climat vise à « réduire les émissions, à renforcer les puits de gaz à effet de serre, à réduire la vulnérabilité, à maintenir et accroître la résilience des systèmes écologiques et humains face aux effets négatifs des changements climatiques1 ». Selon la définition utilisée, la finance climat est considérée comme une composante de l’aide publique au développement (APD), ou comme des ressources « nouvelles et additionnelles » publiques ou externes qui couvrent les coûts marginaux induits par le changement climatique.
L’analyse des flux d’investissement liés à la finance climatique en rapport avec la COVID 19, ne peut ainsi être abordée qu’en tenant compte à la fois des inférences de la pandémie sur les trois (03) catégories de ressources que sont les ressources publiques intérieures, l’aide publique au développement, et le financement extérieur dédié au climat stricto sensu. Aussi le comportement de ces catégories de ressources durant la crise COVID mérite-t-il d’être examiné, et des tentatives d’analyse prospective menées pour soutenir les conditions de leur contribution aux efforts de redressement et de renforcement de la résilience économique des pays sur le court, le moyen et le long terme.
« Au Sénégal, les recettes fiscales principales sources de financement des politiques publiques ont montré un niveau élevé de stabilité au COVID »
Le ratio Impôts/PIB de 15%, considéré comme un indicateur de fonctionnement efficace de l’État et de promotion du développement économique2, est dans le cas du Sénégal régulièrement au-dessus de 15%, depuis 2010 (15,8% en 2010 et 16,6% en 20193), avec une ambition de le porter à moyen terme à 20%4 d’ici 2025.
Un infléchissement de l’indicateur, en conséquence des moins-values de recettes fiscales par rapport aux prévisions initiales5, a créé une baisse de la mobilisation des recettes intérieures de deux points de pourcentage du PIB en 20206. Toutefois, les efforts menés par le gouvernement, par la mise en œuvre d’importantes politiques fiscales sous la forme de fonds de relance, ainsi que de mesures fiscales directes et indirectes, ont largement atténué l’impact de la pandémie : les recettes fiscales et le PIB courant ont régulièrement progressé de 2019 à 20217, malgré un repli de la croissance du PIB qui est passé de 4.4% en 2019 à 1.5% en 2020.
Ainsi, on peut considérer qu’en comparaison des recettes non fiscales, les recettes fiscales sources de financement les plus importantes du budget (86% des recettes budgétaires en 20218), se révèlent être les plus stables et les moins vulnérables aux chocs externes.
« Le repli noté sur les dépenses domestiques dans le secteur de l’environnement durant la période COVID, est atténué par les affections budgétaires EX post à la hausse »
Pour répondre aux coûts socio-économiques et sanitaires élevés de la pandémie, plusieurs pays en développement ont procédé à des réaffectations budgétaires nationaux, au détriment de l’action climatique. C’est le cas de 17 pays, couverts par une étude de WRI9, qui ont connu une diminution de leurs budgets climatiques ou des retards dans la mise en œuvre de projets liés au climat.
Dans le cas du Sénégal, les efforts de recadrage du budget national 2020 ont conduit à une réduction des dépenses de fonctionnement et d’investissement de 119 milliards pour couvrir en partie le financement du Programme de Résilience Economique et Social (PRES) du pays ; ce qui a des conséquences directes sur la mise en œuvre des politiques publiques de façon générale et du financement des projets et programmes dans le secteur de l’environnement, en particulier.
Toutefois, les exercices 2021 et 2022 ont été marqués par une augmentation du 5 budget prévisionnel dédié au secteur de l’environnement par rapport à 2020 : ils sont respectivement de 31,7 et 38,1 Milliards XOF en crédits de paiement par rapport à 25 Milliards XOF en 202010. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’évolution à la baisse des ressources budgétaires dédiées au secteur de l’environnement, remarquable entre 2006 et 2019 aussi bien sur ressources internes qu’externes11, connait un début de redressement à partir de 2020. Cette hausse traduit la volonté du gouvernement de soutenir les efforts de renforcement de la résilience du secteur dans un contexte de pandémie. Sa matérialisation et son maintien sur une longue durée dépendra, toutefois, des contingences liées aux effets des crises et chocs sur le budget national.
« En dépit de la forte stabilité qu’a connu l’Aide Publique au Développement (APD) durant de la crise, la part du climat dans l’APD a connu une baisse »
En 2020 et 2021, l’Aide Publique au Développement (APD) a augmenté respectivement de 3,5 % et 4,4%, après une évolution de -2,7% en 2018 et 1,4% en 201912. Cette hausse correspondant à des volumes de 161 milliards de dollars et 179 milliards USD, est générée par l’augmentation de la demande de soutien à la réponse sanitaire et à la reprise économique et sociale.
Dans le cas du Sénégal, l’APD net a connu la même évolution à la hausse, passant de 1 438 millions $US à 1 611 millions $US entre 2019 et 202013. En outre, des appuis substantiels ont été apportés par le Fonds monétaire international (FMI) au titre de l’instrument de financement rapide (294,7 millions USD) et de la facilité de crédit rapide (147,4 millions USD). La Banque mondiale a soutenu le pays par un financement de 100 millions de USD, réparti également en don et en crédit.
Il faut toutefois noter qu’au niveau global, la part du financement climat dans l’APD a diminué pendant la pandémie. Entre 2019 et 2020, la proportion de l’APD pour les projets ayant pour objectif principal le climat est passée de 18 % à 14 %, et pour les projets dont un accent est mis sur le climat, de 25 % à 17 %14. Il s’y ajoute une prépondérance de la modalité « prêts » dans le financement climatique international. Cette tendance est aussi remarquable sur le financement de l’APD en général qui a connu de 2010 à 2019 une réduction des subventions de 72% à 61% et une augmentation des prêts de 20% à 26%.
« Le financement climat au niveau multilatéral a démontré un niveau de résilience élevé à la crise COVID, même si les engagements des pays développés pourraient être affectés durant la période Ex post »
Les instruments de gouvernance du multilatéralisme au niveau mondial ont été fortement affectés par la COVID. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a perdu durant la crise la confiance des Etats Unis, principal partenaire financier de l’organisation, avant de la retrouver à la faveur d’une alternance politique. La régulation des mouvements de biens telle qu’imposée par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) n’a pas été en mesure de freiner les restrictions à l’importation de biens médicaux essentiels de la plupart des pays. L’année 2020 considérée initialement comme une étape charnière dans les processus de révision des Contributions Déterminées au niveau National (CDN)1, principal instrument de mise en œuvre de l’accord de Paris, a vu l’essentiel des pays remettre à plus tard leurs processus nationaux.
Toutefois, le financement climatique mondial a globalement augmenté ces dernières années. Au cours de la période pré-COVID 2017-2018, il a franchi la barre du demi-trillion de dollars, soit une augmentation de 25% par rapport à 2015/201615. Sur une moyenne de 579 milliards de dollars (2017-2018), un peu moins de la moitié (253 milliards soit 44%) provient de fonds publics, en particulier des institutions de financement nationales, bilatérales et multilatérales.
Au titre des ressources publiques multilatérales dédiées au climat, le Fonds pour l’Environnement mondial (FEM) était le principal véhicule de financement jusqu’à une date récente. Depuis Mars 2019, le Fonds Vert pour le Climat (GCF) est devenu le plus grand contributeur au financement climat au niveau mondial. Déjà en septembre 2019, quelques mois avec le déclenchement de la pandémie, vingt- sept pays développés s’étaient engagés à reconstituer les réserves du Fonds vert pour le climat (GCF) pour un montant de 9,78 milliards USD pour les quatre prochaines années. Ces ressources devraient soutenir les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter aux effets négatifs des changements climatiques. Durant l’exercice 2020, marquant une période de pic de la pandémie, les volumes de financement aux actions d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques consentis par le FVC ont augmenté par rapport aux années précédentes. Le tableau ci-dessous, qui présente les montants approuvés en 2019, 2020, et 2021 par le Conseil du FVC, est illustratif du des efforts consentis en termes de volumes d’investissement sur les trois années.
Alioune Badara Kaere (Avec les Policy Briefs du CSE) S
Source : Espacedev