Par Stuart P.M. Mackintosh
Les nouvelles climatiques suscitent une inquiétude croissante. Dans ce contexte, la récente décision de la Chine d’accélérer sa transition verte représente l’une des rares lueurs d’espoir. Lors de l’Assemblée nationale populaire chinoise en mars dernier, le Premier ministre Li Qiang a annoncé une augmentation des investissements dans les projets d’énergie propre. Cette décision cible un « nouveau trio » de secteurs – les panneaux solaires, les véhicules électriques et les batteries au lithium – appelé à remplacer l' »ancien trio » (l’habillement, les meubles et les appareils ménagers) pour stimuler la croissance économique. Bien que ces investissements ne suffisent pas à relancer l’économie chinoise à eux seuls, l’Occident devrait saluer cette politique.
La transition verte est déjà en marche, la plupart des pays et des entreprises s’engageant sérieusement dans la transition vers les énergies propres. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la capacité totale des énergies renouvelables a presque doublé en 2023 pour atteindre 507 gigawatts, le taux de croissance le plus élevé en deux décennies. L’UE, les États-Unis et le Brésil ont notamment battu des records en termes de capacité installée. Cependant, la Chine a fait bien mieux – et de loin – en installant en 2022 autant de panneaux solaires que le reste du monde, et en augmentant sa capacité éolienne de 66% par an.
La décision de la Chine d’augmenter ses dépenses pourrait accélérer encore davantage ce changement historique et contribuer à atteindre les objectifs climatiques à long terme en rapprochant le pic d’utilisation des combustibles fossiles et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. De plus, elle suggère que les politiques industrielles locales favorisent la décarbonation plutôt que de l’entraver.
Le président Biden a initié une nouvelle ère de politique industrielle en adoptant une loi de réduction de l’inflation de 800 milliards de dollars, comprenant 391 milliards de dollars de dépenses liées à l’énergie et au climat, ainsi qu’une loi bipartite sur les infrastructures de 1200 milliards de dollars. Cette stratégie a incité l’UE à mettre en place des subventions vertes. Aujourd’hui, la Chine aborde ses propres défis économiques en consacrant encore plus de ressources à la décarbonation.
En raison de sa politique industrielle, l’augmentation de l’offre de produits verts à bas prix en provenance de Chine (résultat probable du pari chinois sur les technologies émergentes) ne devrait pas avoir de conséquences majeures aux États-Unis. Le gouvernement américain a déjà imposé des droits de douane sur les importations chinoises jugées stratégiques. Alors que ses lois sur la réduction de l’inflation et sur les infrastructures suscitent d’importants investissements dans la fabrication et le déploiement de sources d’énergies propres, les États-Unis envisagent de nouvelles mesures protectionnistes pour empêcher la Chine de sous-coter leur marché.
Cette situation est frustrante pour les partisans les plus ardents du libre-échange, car elle signifie que les produits chinois verts bon marché, tels que les panneaux solaires, les véhicules électriques et les batteries, ne seront pas disponibles aux États-Unis de sitôt. Une victoire de Donald Trump en novembre ne ferait qu’aggraver les choses : l’ancien président a proposé un taux de droit de douane à faire frémir – 60% sur toutes les importations chinoises.
La transition énergétique a un coût élevé pour les Américains, mais elle vaut la peine d’être payée. En défendant leurs industries nationales, le gouvernement américain détournera probablement les produits chinois vers d’autres pays, en particulier vers les pays en développement, permettant ainsi à leurs habitants d’accéder à des produits de technologie propre à bas prix. De plus, si les pays en développement saisissent cette opportunité, ils pourraient accélérer leur propre transition écologique.
Le Premier ministre indien Narendra Modi a peu de chances, dans l’état actuel des choses, de réussir son pari d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2070, mais il pourrait tirer parti de la montée en puissance de la Chine dans le domaine des technologies vertes. À court terme, cela signifie utiliser des produits chinois pour combler les lacunes de l’industrie indienne des énergies propres. Modi devrait également convaincre les entreprises chinoises de construire davantage de centrales de production d’énergie propre en Inde, facilitant ainsi le transfert de technologies, créant des emplois et réduisant les coûts des technologies vertes.
Les dirigeants africains devraient également augmenter la production d’électricité de leurs pays en utilisant les technologies et produits verts chinois. Comme de nombreux pays africains sont passés directement aux réseaux de téléphonie mobile en sautant l’étape des lignes terrestres, ils devraient privilégier les énergies propres et éviter de développer les combustibles fossiles. Bien que cela représente un défi, une telle stratégie est bien adaptée à un continent qui dispose d’abondantes ressources solaires et éoliennes et qui a besoin de solutions énergétiques distribuées. De plus, les pays africains disposant d’une grande quantité de terres rares devraient collaborer avec les entreprises chinoises pour progresser dans la chaîne de valeur et créer davantage d’emplois.
Lorsque les responsables des grandes entreprises et les dirigeants politiques se réunissent lors des conférences sur le climat à Davos, ils répètent souvent que la transition verte doit être équitable. Il faudrait 1000 milliards de dollars par an d’investissement dans
Source : Project Syndicate